Soucieuse de réduire la pollution et les nuisances sonores, la mairie d’Avignon souhaitait limiter la circulation des poids lourds de plus de 38 tonnes sur la rocade Charles-de-Gaulle. Le préfet de Vaucluse, Thierry Suquet, a rendu un avis défavorable, invoquant des risques économiques, logistiques et environnementaux à l’échelle du bassin de vie.
Le projet, porté par la municipalité avignonnaise, prévoyait de restreindre à titre expérimental, pour une durée d’un an, la circulation des poids lourds supérieurs à 38 tonnes sur la rocade Charles-de-Gaulle, entre l’avenue de Tarascon et l’avenue Pierre-Sémard, de 7 heures à 19 heures, tous les jours de la semaine. Objectif affiché : réduire l’exposition de quelque 17 000 habitants à la pollution atmosphérique et au bruit, notamment dans les quartiers prioritaires concernés par le renouvellement urbain.
Coup d’arrêt au projet de Cécile Helle Mais le préfet de Vaucluse, dans un courrier adressé le 21 octobre 2025 à la maire d’Avignon, Cécile Helle, a mis un coup d’arrêt au projet. Après plusieurs mois de concertation infructueuse entre les collectivités locales, les acteurs économiques et les services de l’État, Thierry Suquet a estimé que les conditions techniques, économiques et environnementales ne permettaient pas la mise en œuvre du dispositif ‘dans des conditions acceptables par l’ensemble des parties prenantes’.
Des risques de congestion et d’effets pervers Le préfet relève tout d’abord que les études de trafic produites par la ville datent de 2019, donc ‘insuffisamment actualisées’. Selon lui, les déviations prévues entraîneraient un report de trafic massif vers les communes voisines des Bouches-du-Rhône avec Châteaurenard, Noves ou Eyragues, déjà confrontées à une circulation dense.
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Congestions routières et impacts économiques L’interdiction envisagée risquerait ainsi d’aggraver les congestions routières, les risques d’accidents et la pollution sur ces axes secondaires. D’autant plus que la fermeture du pont de Rognonas aux poids lourds de plus de 26 tonnes rendrait la circulation encore plus complexe. Autre inquiétude majeure : l’impact économique. La restriction toucherait directement la zone d’activités de Courtine et le terminal de transport combiné de Champfleury, un site stratégique du fret rail/route classé parmi les plus importants de France, avec près de 90 000 unités intermodales traitées chaque année.
Une mesure jugée contre-productive En privant ces zones d’un accès fluide, le préfet alerte sur des surcoûts logistiques, des retards de livraison et une dégradation de la compétitivité des entreprises locales. Les trajets des poids lourds seraient allongés de 20 à 50 kilomètres selon les itinéraires, parfois avec des péages, ce qui augmenterait paradoxalement les émissions de CO₂ et l’empreinte carbone du transport.
Pour une gestion raisonnée des axes routiers Le préfet souligne également que les infrastructures de déviation et de stationnement ne sont pas prêtes, et que la signalisation nécessaire n’a pas reçu l’accord des gestionnaires de voirie. « Il n’existe aucune garantie technique sur la capacité réelle de ces itinéraires à absorber les flux déviés », précise-t-il dans son avis.
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« ‘La réalisation du second volet de la LEO aurait permis, à terme, de réconcilier impératifs écologiques et besoins économiques’ »
Thierry Suquet, préfet de Vaucluse
L’État prône la concertation et la cohérence territoriale S’il partage la préoccupation municipale en matière de santé publique et de qualité de vie, le représentant de l’État rappelle la vocation économique des routes à grande circulation et l’importance de préserver la logistique du bassin avignonnais. Il réaffirme par ailleurs l’engagement de l’État dans le développement du transport combiné, mode de transport plus vertueux, ainsi que dans les grands projets de mobilité du territoire, même si le projet de la LEO (Liaison Est-Ouest) semble bien enterré tandis que les espoirs se tournent, en partie, vers le futur Service Express Régional Métropolitain. Pour le préfet, la réalisation du second volet de la LEO aurait permis à terme de réconcilier impératifs écologiques et besoins économiques, en contournant les zones les plus peuplées tout en maintenant la desserte des pôles d’activité.
Un dossier encore ouvert Thierry Suquet émet un avis défavorable ‘en l’état’, au projet d’arrêté municipal, mais invite à poursuivre la concertation entre l’État, la mairie, les collectivités territoriales et les acteurs économiques. Un compromis reste donc à trouver pour concilier protection des habitants et dynamisme économique, dans un territoire où la mobilité demeure un enjeu central de qualité de vie comme de compétitivité, alors que les acteurs majeurs décisionnaires continuent de jouer la montre, et tandis que les axes routiers mineurs comme majeurs restent paralysés. Mireille Hurlin