La Fondation Manuel Rivera Ortiz célèbre ses 10 ans à l’Hôtel Blain avec une exposition photographique ayant pour thème : l’exploration du mystère, de la magie et des mondes occultes. Elle nous invite à franchir le seuil de l’invisible et à sonder l’inconnu. Un événement original qui met en lumière les talents de plus de 20 photographes, chacun évoquant une sensibilité au sein d’un pays, d’un événement.
Il s’agira de lumières et de ténèbres pour Joan Alvado. Le sacré pour Ian Cheibub. Maja Daniels scrute le cas de Gertrud Svensdotter accusée de marcher sur l’eau alors qu’elle a 12 ans en 1667. La photographe s’affaire sur ce que l’on ne discerne peut-être pas dans les événements historiques et sociologiques. Benrido utilise un procédé de colorisation vieux de 160 ans pour promouvoir la créativité de ses confrères. Laura Lafon Cadilhac tente l’oracle photographique avec des habitants du Chili. Silvia Prio s’est intéressée à la vision poétique et magique des femmes tziganes. Virginie Rebetez contacte mediums et guérisseurs, construisant des ponts entre les gens et les lieux et faisant fi des temps et espaces différents. Wlad Simitch interroge la religion, l’art et le paranormal, notamment avec Sara la noire, la reine fugitive qui quitta Hérode le cruel et qui de païenne devient chrétienne quittant l’Egypte pour les Saintes-Maries-de-la-Mer.
Ann-Christine Woehrl met en lumière les femmes exilées du nord du Ghana accusées de malheurs, maladies et de morts, chassées de leur maison, de leur famille et de leur village. The reporter -media en ligne à but non lucratif- interroge les peuples autochtones de Taïwan. Laha Mebow, réalisatrice indigène de Taïwan fait confiance à la Terre qui crée et dispense toute chose. Young professionnals de Freelens et Photographes de Hamburg portfolio review confrontent contradictions, forces occultes et destinées humaines. Laif évoque le changement climatique, les conflits territoriaux pour s’ouvrir à la créativité et à la solidarité. Jann Höfer et Martin Lamberty dénoncent les 27 000m3 de déchets hautement radioactifs (DHA) produits par quelques humains en un temps record dont les rayonnements mortels impacteront les futures générations alors que le gouvernement de la RFA -République Fédérale Allemande, Allemagne de l’Ouest avant la réunification d’octobre 1990- recherche un site souterrain définitif censé protéger l’humanité de ces déchets pour au moins un million d’années.

Alexandre Dupeyron examine nos vanités, notamment au prisme des violents incendies de forêt qui révèlent notre violent rapport à la nature. Un écho aux mutations du vivant face aux bouleversements de l’anthropocène. Inland, coopérative internationale de 14 photographes trace, quant à elle, sa sensibilité à éduquer, transmettre et créer un impact au travers de documentaires évoquant un changement climatique toujours pas enrayé, la pollution qui s’aggrave et les libertés fondamentales qui régressent. Enfin il y a Weronika Gesicka qui illustre de façon humoristique les textes d’articles fictifs dans les encyclopédies pour démasquer les copies avec des images générées par l’intelligence artificielle. Son crédo ? Réfléchir à la fiabilité des faits et des sources d’information.
«Ce voyage interroge les concepts du bien et du mal : qu’est-ce qui est considéré comme néfaste, qu’est-ce qui relève du spirituel ? La sorcellerie et les pratiques occultes, souvent marginalisées, sont-elles des expressions d’un pouvoir mystique ou d’une insoumission aux normes sociales ?» expose Manuel Rivera-Ortiz, président fondateur de la fondation éponyme.
« La croyance et la sorcellerie reflètent nos peurs et nos aspirations. L’arrivée de l’écriture et la diffusion de la Bible ont fait émerger, de façon plus structurée le sacré et le profane, déclenchant les chasses aux sorcières, persécutant celles et ceux qui incarnaient un savoir ancien, une parole hors des dogmes, un contre-pouvoir redouté. »

« À travers la Vierge Noire et de Sainte Sarah, ‘Sortilèges’ interroge ces croyances populaires qui, entre dévotion et transgression, véhiculent cultures et époques, détaille Florent Basiletti, directeur de la fondation. La figure de la sorcière, tour à tour crainte et réhabilitée, se décline en une lecture féministe de l’histoire : symbole de pouvoir, de résistance et de connaissance interdite. »
« Fotohaus amplifie cette programmation avec la thématique Kontroverse et Paradoxe, invitant à explorer les tensions et les contradictions qui surgissent lorsque les croyances se confrontent à la réalité. Dans une société française et européenne marquée par le rationalisme, la spiritualité demeure souvent reléguée à la périphérie du discours dominant, oscillant entre fascination et rejet. »
« Sortilèges ouvre une réflexion sur les mémoires occultées des femmes et leur résonance dans notre monde actuel. La société occidentale, en érigeant le rationalisme en norme, a souvent rejeté ou minimisé les formes de spiritualité qui échappent à ses cadres institutionnels. Pourtant, ces croyances et ces pratiques marginalisées continuent d’exister, porteuses d’une autre lecture du monde. Peut-on encore accepter l’inexplicable ? Sommes-nous prêts à embrasser ces traditions, ces croyances et ces savoirs refoulés pour construire un monde plus ouvert ? »

« Les sorcières existent, sans chapeaux pointus, nez verruqueux et chaudrons, reprend Manuel Rivera-Ortiz. Elles existent dans le silence, dans les coins des cuisines où les abuelitas –petites vieilles- nouent des rubans rouges autour des herbes et murmurent des protections à voix basse. Elles existent entre la foi et la peur, dans les prières murmurées qui ne sont pas si différentes des malédictions, dans les regards échangés entre vieilles femmes quand un enfant tombe malade sans raison. J’ai grandi parmi elles, bien que personne ne les ait jamais appelées ainsi. »
« Une femme au bout de la rue ne quittait jamais sa maison sans une branche de Ruda –Ruda graveolens- épinglée à son chemisier. Et quand quelque chose n’allait pas—quand un enfant ne dormait plus, quand un homme se noyait dans l’alcool, quand une maladie persistait trop longtemps—quelqu’un connaissait toujours une personne qui pouvait aider. Une prière, un bain d’herbes amères, une bougie allumée au bon moment de la nuit. La science avait sa place, mais certaines choses dans ce monde avaient besoin de quelque chose de plus ancien et de plus sage. »
« À Pozo Hondo –en Argentine-, les femmes savaient des choses. Mamá laissait toujours du sel dans les coins de la maison, posé là comme un détail insignifiant mais jamais oublié. Abuelita attachait des rubans aux berceaux des nouveau-nés et glissait des petites mains d’azabache dans leurs poches pour éloigner le mal de ojo –le mauvais œil-. Une femme au bout de la rue ne quittait jamais sa maison sans une branche de ruda épinglée à son chemisier. Et quand quelque chose n’allait pas—quand un enfant ne dormait plus, quand un homme se noyait dans l’alcool, quand une maladie persistait trop longtemps—quelqu’un connaissait toujours une autre personne qui pouvait aider. Une prière, un bain d’herbes amères, une bougie allumée au bon moment de la nuit. La science avait sa place, mais certaines choses dans ce monde avaient besoin de quelque chose de plus ancien et de plus sage. »

« La foi et la peur étaient si étroitement liées chez nous qu’il était impossible de dire où l’une s’arrêtait et où l’autre commençait. Le pasteur Romualdo nous disait de prier, et nous le faisions, mais tout aussi souvent, nous allions à la botánica, où saints et esprits se côtoyaient sur des étagères encombrées, et où l’air sentait l’encens et l’Agua de Florida. Certains appelaient cela de la superstition. D’autres appelaient cela de la survie. Peut-être était-ce la même chose. »
Les infos pratiques
Exposition photos. Arles MRO Sortilèges. Jusqu’au 5 octobre. Jusqu’au 31 août de 9h30 à 19h30. 6€. Du 1er septembre au 5 octobre de 9h30 à 18h. 18, rue de la Calade à Arles. Exposition dans le cadre des Mrofoundation.org
