Bâtonnier du barreau d’Avignon depuis le 1er janvier 2024, Philippe Cano s’apprête à passer le relais à Anne-Cécile Dubois à la fin de ce mois. Deux années intenses, marquées par des enjeux nationaux, des dossiers sensibles et une réflexion profonde sur le rôle, les valeurs et l’avenir de la profession d’avocat.
À Avignon, le bâtonnat n’est pas une fonction honorifique. À la tête d’un barreau de près de 330 avocats, Philippe Cano en a mesuré toute l’exigence : une charge à temps plein, souvent au-delà, faite de représentations, de médiations, de protection des confrères et de défense sans concession des principes fondateurs de la profession. « Un bâtonnier est à la fois un leader, un protecteur et un arbitre », résume-t-il, rappelant la pluralité d’un rôle souvent méconnu du grand public.
Le legal privilege
Son mandat aura été marqué, dès 2024, par un débat national majeur : celui du ‘legal privilege‘. Le projet d’extension du secret professionnel aux juristes d’entreprise a suscité une mobilisation forte des instances ordinales. Philippe Cano s’est engagé, aux côtés de nombreux bâtonniers, pour défendre une conception exigeante du secret professionnel, pilier de la relation entre l’avocat et son client, et garantie essentielle des libertés publiques.
Le procès Pelicot
Mais c’est surtout la gestion du procès dit ‘Pélicot’ qui a profondément marqué son bâtonnat. Sans jamais intervenir sur le fond judiciaire, le bâtonnier a dû en assumer les lourds enjeux périphériques : organisation matérielle des audiences, préparation logistique en amont avec les juridictions, questions de rémunération des avocats, gestion des incidents d’audience et, surtout, protection de la parole et de l’indépendance de la défense dans un contexte médiatique et sociétal particulièrement tendu. « Un procès total », selon ses mots, tant pour le droit des victimes que pour les équilibres fondamentaux de la justice.

Assumer la prise de décision
Dans cette fonction, les décisions sont souvent solitaires et parfois impossibles à commenter publiquement. Une discrétion assumée, inhérente à la responsabilité du bâtonnier, qui agit autant dans l’ombre que dans la lumière. Philippe Cano n’a pas souhaité dresser un bilan exhaustif de ces deux années, préférant souligner ce qu’elles lui ont appris : la complexité croissante de l’exercice de la défense et la nécessité d’un dialogue constant entre les acteurs de la justice.
Ce soir, Philippe Cano se présentera, avec son équipe, à la présidence de la Cobseco
Pour autant, l’ancien bâtonnier ne tourne pas la page. Refusant l’idée d’un ouvrage mémoriel, il privilégie la transmission vivante : conférences, débats, échanges entre pairs. Il ambitionne désormais de mettre cette expérience au service d’un périmètre plus large, en briguant la présidence de la Conférence régionale des bâtonniers du Sud-Est et de la Corse (Cobseco), qui fédère quinze barreaux et près de 7 000 avocats. Une fonction d’animation et de partage, loin de toute posture hiérarchique, dont l’élection doit se tenir à Aix-en-Provence cet après-midi.
Pour la défense et la visibilité de la profession
En quittant le bâtonnat d’Avignon, Philippe Cano laisse l’image d’un responsable engagé, confronté à des défis majeurs et fidèle à une certaine idée de la profession : indépendante, exigeante et profondément attachée à ses valeurs. Il se dit confiant dans l’avenir du barreau, saluant l’élection d’Anne-Cécile Dubois, appelée à imprimer sa propre marque dès le début de l’année 2026. Une passation de témoin qui s’inscrit dans la continuité, au service d’une profession en constante évolution.
Mireille Hurlin
























































