Me Solène Arguillat revient sur l’affaire à multiples rebondissements de l’exploitation des carrières de Bringasses et les Grands Fonds sur la Commune des Baux de Provence, plus connues sous le nom de Carrières des Lumières, le volet pénal s’enrichit d’une nouvelle décision, particulièrement motivée.
Ainsi, à la suite du jugement rendu par le Tribunal Correctionnel de Paris le 15 février 2023, la Cour d’Appel de Paris s’est prononcée en mars dernier sur les appels interjetés par Michel Fénard l’ancien Maire (2009 à 2020) des Baux de Provence, Bruno Monnier en sa qualité de PDG de la SA Culturespaces et ladite société, aux termes d’une décision circonstanciée de 37 pages.
Pour mémoire, en première instance, l’ex-édile avait écopé de 4 mois de prison avec sursis, à ses côtés, la société qui exploite actuellement les Carrières de lumières Culturespaces et son PDG avaient également été condamnés pour “recel de favoritisme” avec une peine de 6 mois de prison avec sursis, la société devant verser 100 000 euros d’amende et son PDG 60 000 euros.
Sans surprise, la Cour d’Appel a confirmé les peines de première instance et a même alourdi celle de Michel Fénard en y ajoutant une amende de 10 000 euros.
L’arrêt déclare, en effet, que « si les faits sont anciens, il n’en demeure pas moins qu’ils sont d’une gravité certaine, dans la mesure où il s’agit d’une atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, qui se sont répétés sur une période de plusieurs années, alors même qu’en qualité d’élu de la République, une probité sans faille était attendue de Michel Fenard dans l’exercice de son mandat. Au regard de l’ensemble de ces éléments, est-il ajouté, il convient de confirmer la peine de 4 mois d’emprisonnement assorti du sursis (…), mais, eu égard à la gravité des faits, à la personnalité de Michel Fenard, (…) il y a lieu d’y ajouter une amende de 10.000 euros »
Concernant le PDG de l’exploitant actuel, la cour relève « il convient de souligner que Bruno Monnier qui détenait, à l’époque, 15 % des actions de la société Culturespaces, avait un intérêt financier personnel à obtenir la délégation de service public sur les carrières pour cette société, tout comme sa prolongation. »
Il est également relevé par la Cour qu’ « ne conteste pas être intervenu pour dissuader les sociétés concurrentes de déposer une offre, après avoir obtenu leurs noms, mais, au contraire, le justifie ou le banalise, expliquant que c’est « la vie des affaires ». De la même manière… il se montre peu préoccupé des règles régissant la commande publique et de l’égalité des candidats. »
La Cour fait preuve d’une extrême pédagogie pour lister les comportements qui conduisent de manière quasi automatique à une condamnation mais atteint les limites de son office quant à l’impact sur le contrat en cours, en effet, même reconnue coupable, la société Culturespaces reste exploitante du site.
Reste à connaître le point de vue de la Cour de Cassation qui ne devrait pas manquer d’être saisie par les protagonistes…et celui de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) concernant le volet judiciaire administratif qui a d’ores et déjà été saisie.
Bref historique judiciaire de cette affaire :
En août 2008, la Commune des Baux-de-Provence décide de résilier le bail commercial conclu avec la société Cathédrale d’Images pour l’exploitation du site et de le remplacer par une délégation de service public confiée en avril 2010 à la société Culturespaces.
Les gérants de la société Cathédrale d’Images dénoncent en justice « un captage de fonds de commerce ».
L’affaire est examinée le 21 septembre 2010 par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille chargé de dire si, conformément aux vœux du maire des Baux-de-Provence, Michel Fenard, Cathédrale d’Images doit être immédiatement expulsée. La justice administrative donne provisoirement raison à la Commune et ordonne l’évacuation des lieux sous astreinte de mille euros par jour de retard.
Mais après que Culturespaces eut été condamnée le 1er décembre 2015, par la Cour d’Appel de Paris, pour « parasitisme » au préjudice de Cathédrale d’Images, le 25 janvier 2016, le Conseil d’État examine la question de la légalité de l’expulsion de Cathédrale d’Images et tranche cette question de « domanialité » en faveur de la société, considérant son expulsion illégale.
Parallèlement, la Commune des Baux-de-Provence est condamnée en 2018 par le tribunal de grande instance de Tarascon à verser près de 5,8 millions d’euros de dommages et intérêts à la société Cathédrale d’images, une décision partiellement amendée par la Cour de Cassation (avec un alourdissement de la facture porté à 6,4 millions d’euros par le cour d’appel de Lyon).
Le 20 septembre 2018, un article de Renaud Lecadre, dans le journal Libération, révèle les mises en examen au pôle financier de Paris du maire des Baux-de-Provence, Michel Fenard, pour « favoritisme » lors de l’appel d’offres de la délégation de service public remportée par Culturespaces, filiale d’Engie, société qui est également mise en examen, de même que son PDG, Bruno Monnier, tous deux pour « recel de favoritisme« , ayant conduite à leur condamnation en 2023 rappelée en préambule de cet article.
En 2023, la résiliation anticipée de la délégation de service public est prononcée par la cour administrative de Marseille, au regard des nombreuses irrégularités entachant la procédure de passation.
Cette décision sera annulée par le Conseil d’Etat en 2024, ce dernier estimant que Cathédrale d’Images n’a pas apporté la justification qu’elle était « lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la poursuite de l’exécution de la convention de service public conclue le 23 avril 2010 ». c’est celle décision qui est aujourd’hui contestée devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH)
Enfin, la Cour de cassation sera elle aussi appelée à se prononcer sur requête de la société Cathédrale d’Images visant les actes présumés de « parasitisme, dénigrement, pratiques commerciales trompeuses et déloyales de la société Culturespaces ».